Biographie sélective



Comme son nom l'indique, cette biographie ne retrace pas toute la vie de Paul Auster. Si vous souhaitez connaître le passé de l'écrivain dans ses moindres détails, vous pouvez notamment consulter l'ouvrage de Gérard de Cortanze, La solitude du labyrinthe (Actes Sud), ou bien lire l'autobiographie d'Auster, intitulée Le Diable par la queue (1996). Contrairement à d'autres écrivains, Paul Auster n'a pas fait un grand usage des scènes oniriques dans ses romans. Il a fallu attendre le dernier en date, Tombouctou, pour cela. La psychanalyse a montré que les rêves avaient des contenus fortement autobiographiques, étaient constitués d'éléments réels de notre vie à l'état d'éveil, mais réorganisés de façon plus ou moins différente. C'est le but de cette courte biographie de relier des événements de la vie de Paul Auster avec son oeuvre, afin de mettre en évidence leurs interactions.

1947 : Naissance à Newark, New Jersey, le 3 février. Le moins que nous puissions faire dans cette biographie dite "sélective" était de mentionner la naissance de celui qui allait plus tard devenir le célèbre auteur de la Trilogie new yorkaise. Une des raisons pour lesquelles il est important d'insister sur cette naissance, c'est que toute l'oeuvre de Paul Auster fait de l'identité, de l'être, un thème central. Central parce que tout part de là. Plus que chez tout autre écrivain, Auster accorde aux éléments autobiographiques, à sa vie propre, une importance particulière. Tout lecteur qui s'intéresse un tant soit peu à l'oeuvre d'Auster doit se tenir prêt à aller gratter sous la peinture de ses fictions afin de trouver le tableau original, celui sur lequel repose toutes les autres couches : la vie réelle.

"Chaque homme est l'auteur de sa propre vie." Moon Palace

1963 :Travaille pendant l'été dans un camp de vacances, au nord de l'Etat de New York. C'est là qu'il entre en contact avec les clochards, les sans-foyers, avec toute une frange de la population vivant en parallèle de celle dite "normale".

"A plusieurs reprises, j'entendis des gens se moquer de moi, et une ou deux fois je remarquai des enfants qui me montraient du doigt, en disant à leur mère de regarder ce drôle de bonhomme qui mangeait des ordures." Moon Palace

1964 : Divorce des parents et éclatement de la cellule familiale. Première preuve dans la vie de l'enfant que l'ordre est quelque chose de fragile. L'existence est loin d'être uniforme, le chaos constamment présent.

"A tout moment, quatre ou cinq dialogues distincts coexistaient, mais comme les gens ne parlaient pas nécessairement à ceux qui étaient assis à leurs côtés, ces dialogues s'entrecroisaient, provoquant des échanges abrupts de partenaires [...]." Léviathan

1965 : Premier séjour à Paris. Paul Auster habite une chambre de bonne dans le treizième arrondissement. Expérience fondatrice puisque tous ses romans seront plus ou moins imprégnés de ce thème de la chambre, de l'enfermement qui en fait n'en est pas un. Ou comment faire d'un lieu clos et exigü un espace ouvert, voire infini.

"C'est à Paris, en 1965, qu'il a éprouvé pour la première fois les possibilités infinies d'un espace limité." L'Invention de la solitude

1970 : Pendant l'été, il est agent de recensement à New York, ce qui lui inspirera plus tard un épisode de la Chambre dérobée. Lorsque le personnage-narrateur inconnu invente des noms en faisant de fausses fiches de recensement, il reproduit ce que son créateur avait déjà fait dans la vie réelle. C'était l'une des premières fois dans sa vie d'adulte où la fictionnalisation venait investir le champ du réel. Les employeurs d'Auster n'étaient pas censés savoir que les noms qu'ils lisaient sur les fiches avaient été inventés de toutes pièces, même si une lecture attentive aurait pu leur mettre la puce à l'oreille!

"Je ne sais combien de gens j'ai inventés, mais il devait y en avoir des centaines, voire des milliers [...]. J'avais un faible pour les familles nombreuses - six, huit, dix enfants -, et j'éprouvais une fierté particulière à forger des réseaux de parenté aussi bizarres que compliqués en utilisant toutes les combinaisons possibles [...]." La Chambre dérobée