L'infériorité prend de nombreuses formes dans les romans de Paul Auster.
Elle peut ainsi être :
- sociale : personnages clochards = Peter Stillman père, MS Fogg, William Gurevitch
- linguistique : Peter Stillman fils, Walter Rawley, les parents de William Gurevitch, et bien entendu Mr Bones, ont un point commun : leur mauvaise maîtrise du langage qui les entrave dans leurs rapports avec autrui
- psychologique : ce phénomène est notamment observable dans Léviathan, où plusieurs personnages éprouvent un complexe d'infériorité par rapport à quelqu'un. Peter Aaron souhaiterait avoir le talent littéraire de Sachs : "Mieux je connaissais Sachs, plus sa productivité m'impressionnait. J'ai toujours été un bûcheur, un type qui s'angoisse et se débat à chaque phrase [...]. Le langage ne m'a jamais été accessible de la façon dont il l'était pour Sachs".
Sachs, lui, aurait voulu avoir le courage de Reed Dimaggio : "J'étais un hypocrite et lui non, et quand je me comparais à lui, je commençais à avoir honte".
Quant à Maria Turner, elle voudrait être dans la peau de sa meilleure amie Lillian Stern, ce qu'elle fera d'ailleurs un soir en prenant sa place comme prostituée : "Maria m'a un jour confié que Lillian avait représenté un grand exemple pour elle, et que ce n'était qu'à son contact qu'elle avait appris à être elle-même".Si les personnages de Paul Auster se lancent dans des projets plus qu'ambitieux - Pozzi, parti de rien, veut devenir millionnaire en jouant au poker, Sachs se bat contre tout-puissant le gouvernement américain et ses symboles, Walter Rawley veut voler -, c'est avant tout pour mettre fin à leurs complexes d'infériorité.
Ce qu'ils souhaitent surtout, c'est s'élever, acquérir une plus grande dignité, une plus grande estime de soi. Leur sentiment de culpabilité est le moteur de leur ascension : "[...] retourner ainsi au désert pour accomplir la tâche jamais accomplie. L'amener à me supplier de le tuer comme maître Yehudi m'en avait supplié, et puis effacer mes torts en trouvant le courage d'agir" (Mr Vertigo).Au début du roman, Walt insiste sur les échelons qu'il doit gravir :
- "Il me semblait être tombé dans une faille du temps pour atterrir à l'âge de la pierre".
Tel est le sentiment de Walt lorsqu'il arrive à Cibola avec maître Yehudi. Il découvre que dans la maison de ce dernier, où chacun occupe un rôle bien défini, il devra faire sa place :
- "Sur l'échelle de la maisonnée, je me situais juste au-dessous d'elle" (de maman Sioux).
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